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Sophie Delaille

Comment "tolérer" ses émotions?


Chacun d’entre nous ressent des émotions, dont l’intensité varie selon la situation, mais également selon sa capacité à réguler ses propres émotions. Ces ressentis sont à la fois corporels (l'énergie de la joie, les tremblements de la peur, les crispations de la colère…), et sensoriels (gout acre dans la bouche, vue brouillée, bourdonnements d’oreille…). Ils sont accompagnés de pensées (« c’est bon », « je déteste ça ! », «je vais mourir», «je suis faible», «je l’ai bien mérité» …), et de comportements (je me jette dans les bras de l’ami que je suis heureuse de retrouver, je crie de rage, je crache un morceau de fruit avarié…).

Chaque émotion a une fonction, un rôle. Elle délivre un message, via le corps. Ces messages sont utiles à notre survie et à notre développement.

  • La peur nous signale que nous avons détecté un danger.

  • La joie montre que ce que nous vivons est bon pour nous (et à reproduire).

  • Le dégout alerte sur une potentielle toxicité (aliment, relation…).

  • La colère pointe l’injustice ou l’intrusion dans nos limites.

  • La tristesse nous informe d’une perte, d’une fin (d’une personne, d’une expérience…).

Prenons l’exemple de la peur.

J’ai peur parce que je dois faire un discours en public. Je sens que ma gorge se serre, mes mains sont moites et j’ai l’impression que ma mâchoire inférieure va se mettre à claquer sous l’effet d’un tremblement. Pourtant, je reste solide sur mes jambes, je ne pars pas en courant, je ne reste pas là, pétrifiée. Même si j’ai peur, cette peur est « tolérable », bien que désagréable.

Autre situation : j’ai un accident de voiture, et je vois mon conjoint inconscient à coté de moi. Je vais avoir l’impression que mon corps tout entier se contracte, je vais me mettre à hurler sans pouvoir me contrôler, mon cœur va battre tellement vite que je vais avoir la sensation que ma poitrine va exploser, mes jambes vont trembler, et je vais même peut-être avoir la pensée que je vais mourir tellement cette peur est intense. Ces deux exemples montrent des degrés différents de peur, qui peuvent sembler adaptés à la situation : le danger n’est pas le même quand il s’agit d’un accident de voiture, ou d’une prise de parole en public.

Mais parfois, l’intensité de l’émotion n’est pas adaptée à la situation qui la déclenche : une petite araignée fait hurler de terreur ma voisine, alors que mon frère, lui, ne ressent rien lorsque son patron lui annonce que son poste est supprimé et qu’il va le licencier, alors qu’il vient tout juste de prendre un crédit de 25 ans pour acheter sa maison.

Que se soit dans l’exemple de l’accident de voiture ou dans celui de l’araignée, nous sommes face à des ressentis de peur « suractivés », leur intensité devient intolérable, incontrôlable. Dans le cas de mon frère, l’absence de ressenti, pourrait ressembler à une « sous-activation » émotionnelle. Quand au discours en public, ma fois, il semble que l’intensité et la quantité de peur ressentie soit supportables et acceptables. Dans ce cas-là, je suis dans ce que l’on appelle ma « fenêtre de tolérance ». L’émotion est pertinente et gérable. L'activation physiologique est optimale.



Nous avons chacun notre propre fenêtre de tolérance. Elle peut être largement ouverte pour certains d’entre nous (ces personnes peuvent supporter des émotions intenses et fréquentes). Elle est très étroite pour d’autres, qui se sentent facilement et rapidement submergés par un trop plein d’émotion. Or, c’est lorsque nous sommes dans cette fenêtre de tolérance (lorsque nos émotions sont à la fois ressenties et supportées) que nous apprenons le mieux, que notre concentration est la plus opérationnelle, que nous vivons le plus pleinement notre expérience de vie.


L’objectif d’une thérapie peut être d’apprendre à ressentir suffisamment, c’est-à-dire, ni trop ni trop peu. Si vous éprouvez des émotions qui dépassent vos capacités, alors, vous ressentirez de trop (suractivation). Pour pouvoir traverser cette/ces expériences intolérables, vous pourrez réagir en vous renfermant, et vous coupant de vos émotions (sous-activation). L’objectif d’une psychothérapie de régulation émotionnelle sera de vous apprendre à « ouvrir » votre fenêtre de tolérance à la juste mesure pour ressentir vos émotions (rappelons que les émotions ont pour fonction de nous délivrer un message important à notre survie), sans pour autant être submergé par elles (et perdre le contrôle) ou s’en couper (et ne pas « entendre » leur message)

Afin de rester dans notre fenêtre de tolérance, nous utilisons deux formes de régulation émotionnelle: l’autorégulation et la régulation relationnelle.

L’autorégulation correspond à notre capacité à nous rassurer, nous apaiser, à prendre du recul par rapport à la situation, à faire des exercices de respiration ou de méditation de pleine conscience, à nous orienter vers une activité qui nous fait du bien.

La régulation relationnelle correspond au soutien et à l’aide que nous pouvons attendre des autres, de notre entourage.

Ces deux régulations dépendent en grande partie de la façon dont nos parents (et tous ceux qui s’occupaient de nous) ont pu et su réguler nos émotions lorsque nous étions bébé. Si nos parents régulaient l’intensité de nos émotions avec calme, apaisement, réassurance, alors nous avons développé une bonne capacité d’autorégulation. S’ils étaient présents et répondaient avec justesse à nos demandes d’aide, alors nous avons une bonne capacité à solliciter l’autre pour nous aider à réguler nos émotions par la relation.

A l’inverse, des parents peu disponibles (stress, alcool, dépression…) auront eu plus de difficultés à nous apaiser, et ne nous aurons pas transmis cette sécurité émotionnelle qui nous permet, une fois adulte, de nous auto-calmer. Pire, si nos parents n’ont pas répondu de manière appropriée à nos émotions de bébé (violence verbale ou même physique face aux pleurs, peur et fuite face aux colères…), alors, nous serons incapables, une fois adulte, de solliciter et/ou accepter de l’aide pour apaiser l’intensité de nos émotions.

C'est pourquoi, lors d'une psychothérapie, il sera utile "d'apprendre" à réguler nos émotions, soit par le développement de compétences d'autorégulation (qui feront l'objet d'un post à venir), soit par l'apprentissage de capacités de régulation relationnelle ( demander et/ou accepter de l'apaisement émotionnel. Ce qui demandera au préalable un travail sur les croyances de base, de type " seuls les faibles demandent de l'aide", "je ne mérite pas que l'on s'intéresse à moi", "personne ne peut me comprendre"... )

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